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Macron gifle : La violence, c’est non.

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Cette gifle, en plein exercice de ses fonctions, a choqué. Mais pas pour longtemps. Elle a été disséquée, moquée, expliquée, détournée. Comme si, quelque part, elle était « compréhensible ». Et c’est précisément là que le malaise commence.

Car derrière cette gifle symbolique se cache une vérité plus dérangeante : nous avons appris à tolérer certaines violences, à leur donner des circonstances atténuantes. Parce qu’il est président. Parce que c’était une femme. Parce que c’est « juste une gifle ».

Et c’est ainsi que, dans nos couples, nos familles, nos écrans, nos récits d’amour ou de colère, on apprend à frapper — ou à être frappé — sans que personne ne crie STOP.

Mais moi je le dis : la violence, c’est non. Toujours. Partout. Peu importe le genre, le contexte, l’émotion ou l’histoire.

Brigitte Macron gifle Macron : une violence taboue ?

Si les violences conjugales sont majoritairement perpétrées par des hommes envers des femmes, il est essentiel de reconnaître que des hommes sont également victimes de violences au sein du couple.

Selon une enquête de l’Insee, 34 % des victimes de violences conjugales physiques ou sexuelles sont des hommes . Cependant, la parole masculine reste souvent étouffée par la honte, la peur du ridicule ou le sentiment de ne pas être pris au sérieux.

Les stéréotypes de genre contribuent à cette invisibilisation, où un homme victime de violence est perçu comme faible ou responsable de sa situation. Cette perception sociale minimise la gravité des actes subis et empêche de nombreux hommes de chercher de l’aide ou de porter plainte. Il est crucial de briser ce tabou et de reconnaître que la violence, quelle que soit sa provenance, est inacceptable et doit être traitée avec la même rigueur, indépendamment du sexe de la victime ou de l’agresseur. Insee

Les violences normalisées dans la culture populaire

Dans l’imaginaire collectif, une femme qui frappe, ce n’est pas grave. « Elle était à bout. », « Il a dû la pousser à bout. », « C’était juste une claque. » Autant d’excuses qui banalisent l’inacceptable. On sourit devant une scène de ménage où une femme gifle son compagnon, là où l’inverse provoquerait un tollé. Ce double standard ne protège personne. Il entretient l’idée dangereuse qu’il existerait des violences tolérables, selon le sexe de celui ou celle qui les commet.

De l’agression de Solange Knowles à Jay-Z dans un ascenseur, à Laura qui assomme Nicky Larson à coups de maillet, en passant par les « chamailleries » amoureuses dans les séries, une certaine violence émanant de femmes est souvent tournée en dérision. Ce deux poids deux mesures est éducatif : il enseigne que certains gestes sont excusables, drôles ou mérités.

Solange Knowles frappe Jay-Z dans un ascenseur sous l’œil d’une caméra, pendant que Beyoncé reste calme.

En 2014, une vidéo de vidéosurveillance fuite : on y voit Solange Knowles, sœur de Beyoncé, frapper violemment Jay-Z dans un ascenseur. Il ne répond pas. Il esquive. Il subit.
Le monde entier visionne les images, les détourne, commente. Mais peu s’indignent. Très vite, les discussions se concentrent sur les raisons possibles de l’altercation — une supposée infidélité, des tensions familiales — comme si cela justifiait l’agression. Le geste est relégué au rang de « problème de famille », et Solange devient presque une figure de revanche symbolique.

À quel moment frapper devient acceptable ? Depuis quand un homme peut être battu sans que personne ne s’en émeuve, simplement parce qu’il aurait « mérité » sa punition ? Être en couple, ce n’est pas appartenir à l’autre. Rien ne légitime la violence. Pourtant, cette affaire a été largement minimisée, révélant une tolérance sociale implicite à la violence féminine. Si les rôles avaient été inversés, la réaction publique aurait été radicalement différente. Ce deux poids deux mesures banalise les gestes, confond justice et vengeance, et envoie un message toxique : certains corps peuvent être frappés sans conséquences.

On retrouve cette dynamique dans l’affaire de la « gifle macron vietnam » ou certains journalistes minimisent instantanément: « c’est une affaire privée », « ça peut arriver dans un couple ». Là encore, une agression physique est balayée d’un revers de main, presque justifiée par le lien conjugal. Ce type de minimisation renforce une norme insidieuse : on accepte la violence dans le couple tant qu’elle reste discrète ou commise par la femme.

La violence dans le couple : aimer n’est jamais posséder

Être en couple, ce n’est pas appartenir à l’autre. Ce n’est pas se croire autorisé à lever la main, à punir, à humilier l’autre au nom d’un lien affectif, d’une frustration ou d’un élan émotionnel. Trop souvent encore, la relation amoureuse est perçue comme un territoire où l’autre devient une extension de soi, un espace où les limites s’effacent. Mais l’amour véritable se construit dans le respect, la reconnaissance de l’autre comme sujet libre et entier, non comme objet de contrôle ou exutoire à nos débordements.

La violence conjugale, qu’elle soit physique, verbale ou psychologique, n’est jamais un détail de la vie privée. Elle est un acte grave, un abus de pouvoir et une atteinte à la dignité. Que ce soit une gifle « isolée » ou un comportement répétitif, il est temps d’en finir avec les excuses. Il n’y a pas de geste d’amour dans un coup. Il n’y a pas de respect dans une domination. Et il n’y a pas d’intimité qui puisse justifier l’inacceptable.

Mais frapper une personne parce qu’on est en colère, blessé, trahi ou frustré ne doit jamais être une réponse. On peut être en colère sans devenir violent.

Une agression au travail : un signal inquiétant

Ce n’est pas la première fois que le président Macron est agressé dans l’exercice de ses fonctions. Le 8 juin 2021, lors d’un déplacement dans la Drôme, il est giflé en pleine rue par un homme.

Alors si même le chef de l’État, symbole de l’autorité suprême, peut se faire agresser publiquement — que devons-nous en déduire, nous, simples citoyens ? Cela résonne forcément. Dans nos lieux de travail, nos espaces publics, nos foyers… quelle protection nous reste-t-il face à la violence, quand celle-ci semble de plus en plus tolérée ?

Dans un pays où les burn-out explosent,— près de 34 % des salariés français seraient en situation de burn-out, dont 13 % en burn-out sévère, soit environ 2,5 millions de personnes — et où les agressions au travail augmentent, avec une hausse de 12 % des agressions et incivilités contre les agents de France Travail en 2023 , quel message renvoie-t-on en banalisant les coups, même symboliques, portés à ceux qui incarnent nos institutions ? Quel exemple pour celles et ceux qui cherchent encore à poser leurs limites, à se faire entendre sans s’effondrer ou exploser ? Observatoire OCM+1Fondation Recherche Médicale+1Le Monde.fr

Ce type de réponse — ou d’absence de réponse — est un problème sociétal. Cela renvoie à un mécanisme collectif : détourner le regard. Préférer le silence, le confort du statu quo, plutôt que de nommer la violence, de s’y opposer fermement.

Selon une enquête menée en 2022, 22 % des agents de la fonction publique déclarent se sentir souvent ou de temps en temps en insécurité au travail, contre 14 % des salariés du secteur privé. Fonction Publique

Ce sentiment est particulièrement prononcé chez les professionnels en contact direct avec le public. Par exemple, 46 % des policiers, militaires et pompiers, ainsi que 32 % des agents de santé et du travail social, rapportent se sentir en insécurité sur leur lieu de travail. Fonction Publique

Ces chiffres soulignent l’importance de reconnaître et de traiter les situations d’insécurité au travail, afin de garantir un environnement professionnel sûr et serein pour tous.

Cette question me renvoie aussi à une histoire personnelle. Un ami à moi, travailleur sérieux et investi, s’est fait violemment agresser par un collègue sur son lieu de travail. Le plus choquant n’a pas été seulement l’acte en lui-même, mais la réaction de l’entreprise : minimisation, silence, volonté d’étouffer l’affaire. Pas de reconnaissance du préjudice, aucune vraie sanction. Mon ami, profondément atteint, a perdu confiance dans l’environnement professionnel auquel il croyait.

Depuis quand est-ce tolérable d’agresser un professionnel, une figure publique ou un collègue, simplement parce que l’on est en désaccord ou en colère ? Ce type de réponse – ou d’absence de réponse – est un problème sociétal. Cela renvoie à un mécanisme collectif : détourner le regard. Préférer le silence, le confort du statu quo, plutôt que de nommer la violence, de s’y opposer fermement.

Quel message pour la jeunesse?

Le geste est d’une violence rare car il cible non seulement une personne, mais une institution. Le président ne représente pas seulement lui-même, il incarne une fonction, une autorité publique, un lien républicain.

Un président, comme toute figure publique, incarne plus que lui-même. Il représente une idée de la nation, du lien civique, de l’exemplarité. Quand il est physiquement attaqué, ce sont toutes les valeurs républicaines qui sont entachées. Le flou de la communication de l’Elysée autour de cet événement a alimenté le malaise, comme si l’on préférait minimiser, plutôt que de rappeler l’impératif fondamental du respect du corps et de la fonction.

Alors qu’on énumère de plus en plus de violence au sein des institutions et particulièrement à l’école, quel message cela renvoie à l’adolescent en pleine phase hormonal, face à la gestion de ses frustrations, de ne pas s’attaquer aux figures d’autorités?

Les enfants qui assistent à des scènes de violence conjugale ou familiale, qu’elle soit masculine ou féminine, en portent les marques profondément. Grandir avec l’idée que frapper peut être une forme d’expression affective, une façon de « régler les comptes », c’est installer la violence dans le cycle des relations futures.

Ce n’est pas seulement une question de justice, mais de responsabilité collective.

La violence, c’est non. Partout. Toujours.

Cette gifle est devenu une tendance qui témoigne d’un intérêt public pour les dérapages physiques, parfois plus que pour le fond des idées. Mais au lieu de réagir par voyeurisme, nous pourrions choisir d’en faire une prise de conscience collective.

Refuser la violence, c’est aussi refuser les excuses qu’on lui donne. C’est dire que l’autorité ne se gagne ni par la peur ni par la force. Et c’est rappeler que, quels que soient le genre, la fonction ou les circonstances : on ne frappe pas. Jamais.

Quelles solutions pour sortir du cycle ?

Brigitte Macron médite pour canaliser sa colère et éviter de gifler Emmanuel Macron – illustration satirique.

Vivre en conscience pour prévenir la violence

Adopter un mode de vie plus lent, plus conscient, c’est aussi choisir de se mettre à l’écoute de soi.
Dans un quotidien rythmé par le stress, les injonctions, la pression des résultats, les émotions négatives s’accumulent souvent sans espace pour être reconnues.

Le mouvement slow life propose une alternative : ralentir, respirer, ressentir. En se reconnectant à ses besoins réels, en prenant le temps de comprendre ce qui nous traverse, on réduit les risques d’explosions émotionnelles.

Être à l’écoute de soi, c’est aussi apprendre à prendre la responsabilité de ses ressentis : les autres ne sont pas responsables de notre colère. Ils ne sont pas responsables de nos blessures anciennes, de nos manques ou de notre fatigue. Cultiver cette conscience, c’est déjà prévenir la violence.

Quand la colère monte : alternatives à la violence

La colère est une émotion naturelle. Elle signale un besoin non respecté, une limite franchie. Mais elle ne justifie jamais la violence. Lorsqu’on sent la colère monter, il est essentiel d’avoir des outils pour ne pas se laisser déborder.
S’isoler quelques minutes, respirer profondément, nommer ce que l’on ressent à voix haute ou sur papier, boire de l’eau, sortir marcher, appeler un ami — ces gestes simples peuvent éviter l’irréparable.
Apprendre à différer la réaction physique immédiate permet de revenir à soi. La communication non violente, la méditation, le journal émotionnel ou les techniques de gestion du stress sont autant de pistes à explorer. Ce n’est pas une faiblesse que de se retirer au lieu de frapper. C’est une force immense que de choisir la paix dans la tempête.

Mettre fin à la banalisation de la violence commence par l’éducation. Enseigner dès le plus jeune âge à reconnaître et exprimer ses émotions sans violence, à poser ses limites, à respecter celles des autres. Il faut former à la communication non violente, développer les compétences émotionnelles et relationnelles, dans les familles comme à l’école.

Au niveau sociétal, il est essentiel de garantir que toutes les formes de violence soient prises au sérieux, indépendamment du genre de la victime. Cela passe par des campagnes de sensibilisation inclusives, un meilleur accompagnement des victimes masculines, et une formation des forces de l’ordre et des professionnels de santé à ces réalités moins visibles.

Dans le monde professionnel, chaque entreprise doit disposer d’un protocole clair pour protéger ses salariés face aux violences internes. Un climat de travail sain ne peut exister que si la parole est écoutée et les actes condamnés.

Et enfin, dans nos cercles privés comme publics, osons ne plus détourner le regard. La violence n’est pas une affaire privée : c’est un enjeu de société.

4 réponses à “Macron gifle : La violence, c’est non.”

  1. Avatar de CK
    CK

    Ce que je retiens surtout, c’est que justifier une gifle, quelle qu’elle soit, c’est déjà participer à la culture de la violence. Je me rends compte que moi aussi, parfois, je détourne le regard, ou je ris là où je devrais m’indigner. C’est à nous tous de dire stop, même dans nos cercles privés, même quand c’est « pas si grave ». J’ai encore du chemin, mais j’avance.

    1. Avatar de Valérie

      Merci d’avoir mis ça en mots.
      Ce que tu as écrit me touche profondément.
      C’est pour ce genre d’éveil-là que j’écris.
      Parce que c’est dans nos regards, dans nos silences, dans nos cercles privés que le monde change vraiment.
      Merci de ne pas détourner les yeux. Merci d’être en chemin avec moi.

  2. Avatar de Catherine
    Catherine

    Merci beaucoup pour cet article, qui fait écho à ce que j’ai ressenti en visualisant cette très brève scène où Emmanuel Macron est, il faut le dire, physiquement agressé par sa femme.
    J’ai trouvé absolument affligeant qu’il n’y ait, dans l’ensemble, que deux types de réactions à cet événement : soit, dans un soutien au président, sa minimisation, soit son exploitation politique pour ridiculiser Emmanuel Macron. À par vous, très peu de voix s’élèvent pour condamner à juste titre cette violence physique, en dehors de toute considération politique.

    1. Avatar de Valérie

      Bonjour,

      Merci infiniment d’avoir pris le temps d’écrire ce commentaire. Votre message m’a profondément touchée.

      Vous avez mis des mots justes sur un ressenti que peu osent exprimer, et je vous remercie d’avoir reconnu dans mon article cette volonté de regarder les choses avec humanité, au-delà des clivages politiques.

      Ce sujet m’a remuée, moi aussi, et j’ai eu à cœur d’en parler avec respect, sans sensationnalisme.

      C’est précieux de voir que cela a résonné chez vous. Merci encore pour votre lecture et votre confiance.

      Bien à vous,

      Valérie

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