La trend de l’homme princesse: caprice ou mutation sociale ?

Homme noir en robe de princesse recevant une bague.
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Depuis quelques mois, le terme “homme princesse” s’impose sur TikTok, Twitter ou dans les débats de société. À mi-chemin entre moquerie et constat sociologique, il désigne ces hommes qui refusent de jouer les chevaliers servants : ils ne veulent plus payer les premiers rendez-vous, ne prennent pas forcément l’initiative dans la séduction, et revendiquent le droit de poser leurs limites.

Certains y voient une régression, une forme de passivité capricieuse héritée d’une société de consommation où tout se swipe et se jette. D’autres y reconnaissent au contraire une tentative de sortir des rôles traditionnels, de dire enfin : « Pourquoi ce serait toujours à nous d’être les pourvoyeurs, les protecteurs, les initiateurs ? »

Cette tendance ne sort pas de nulle part. Elle s’inscrit dans une époque marquée par des bouleversements profonds : explosion des féminicides, dénonciations massives de comportements toxiques (#MeToo, affaires médiatisées), lois contre le harcèlement de rue… Jamais la domination masculine n’a été autant contestée. Mais jamais non plus les hommes ne se sont sentis aussi perdus face à la redéfinition de leur rôle.

Alors, l’“homme princesse” est-il un parasite qui fuit ses responsabilités, ou au contraire le signe qu’une nouvelle masculinité cherche à naître ? Est-ce un caprice générationnel ou une mutation sociale inévitable ?

Dans cet article, je te propose de plonger dans cette tendance dérangeante et fascinante, en explorant ses origines, ses contradictions et ses implications. Parce que derrière le buzz se cache une vraie question : comment construire des relations équilibrées dans un monde en pleine transformation ?

Un contexte en pleine mutation

Les relations hommes-femmes ne se construisent jamais dans le vide. Elles s’inscrivent dans une société, une époque, une culture. Et la nôtre traverse un bouleversement sans précédent.

Du patriarcat à l’égalité (encore à construire)

Pendant des siècles, l’homme a été défini par sa force physique, sa capacité à protéger et à pourvoir. La survie de la famille et de la communauté dépendait de lui. Mais depuis l’arrivée de l’ère industrielle, puis de la technologie, ces repères se sont effacés.
Aujourd’hui, ce n’est plus le plus fort qui domine, mais celui qui sait s’adapter, collaborer, écouter. Or, notre société peine encore à valoriser ces compétences dites “douces” — l’empathie, la communication, le soin — trop longtemps considérées comme féminines.

Une étude de l’OCDE (2023) souligne que les pays les plus égalitaires économiquement sont aussi ceux où le bien-être global est le plus élevé. Pourtant, en France, le Haut Conseil à l’Égalité constate toujours des écarts de revenus de 15 % entre hommes et femmes, à poste égal. La mutation est donc amorcée… mais loin d’être achevée.

Homme musclé portant un tutu rose dans une rue urbaine.

L’étiquette du “charo” et la fatigue masculine

Dans ce contexte, beaucoup d’hommes vivent une contradiction. D’un côté, ils ne veulent plus être réduits à l’image du “charo”, du prédateur sexuel qui multiplie les conquêtes. De l’autre, ils sentent bien que le climat social a changé : depuis l’affaire Weinstein et le mouvement #MeToo, le doute ne profite plus à l’accusé, surtout s’il est un homme.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon une enquête IFOP (2021), 81 % des femmes considèrent que les comportements sexistes restent très répandus dans la rue et au travail. Chaque fait divers glaçant — chaque féminicide, chaque affaire de harcèlement médiatisée — vient alimenter une colère légitime, mais aussi un climat de suspicion généralisée.

Entre dénonciations nécessaires et malaise identitaire

Résultat : beaucoup d’hommes ne savent plus comment se positionner. Comment aborder une femme sans risquer de franchir une limite ? Comment séduire sans être soupçonné de manipulation ou de harcèlement ?
Certains choisissent alors la passivité : ils n’osent plus faire le premier pas, ne veulent plus prendre le risque d’être mal interprétés. D’autres tombent dans le rejet, estimant que les féministes “en font trop”.

Mais peut-être que ce malaise est justement la preuve qu’une redéfinition profonde de la masculinité est en cours. Après tout, toute transition passe par une zone grise, inconfortable, où les anciens repères s’effondrent et où les nouveaux peinent à s’imposer.

L’homme portefeuille : un mythe qui persiste

Pendant longtemps, on a martelé l’idée que “l’homme doit payer”. C’est lui qui invite, qui sort le portefeuille, qui prouve son amour en dépensant. Une tradition héritée du patriarcat, mais aussi du modèle chevaleresque qui associait virilité et pouvoir d’achat.

L’amour ne s’achète pas

En 2025, malgré tous les discours sur l’égalité, ce mythe perdure. Selon une enquête Ipsos (2020), 58 % des jeunes femmes estiment que l’homme doit payer le premier rendez-vous. Dans l’imaginaire collectif, l’argent investi serait la preuve d’une sincérité, d’un engagement. Plus le restaurant est cher, plus le geste est censé témoigner d’amour.

Mais soyons honnêtes : quel étudiant, quel jeune salarié peut décemment s’endetter pour offrir un sac de luxe ou une sortie gastronomique hors de prix ? Cette logique pousse à la frustration, à l’endettement inutile, et surtout à la confusion entre amour et consommation.

Déconstruire le mythe amour = argent

Des sociologues comme Eva Illouz (Université de Jérusalem) ont montré que notre société capitaliste a façonné une vision de l’amour liée à la consommation. Les cadeaux, les voyages, les “expériences” deviennent la preuve de l’attachement. Pourtant, des études de psychologie sociale (Journal of Happiness Studies, 2019) démontrent que la qualité des moments partagés a bien plus d’impact sur la satisfaction conjugale que les dépenses engagées.

Autrement dit, ce n’est pas le prix qui fait le lien, mais la présence, l’attention, l’écoute.

Homme noir avec de longs ongles manucurés assis au restaurant.

La passivité intéressée : le refus d’investir

Face à cette pression financière, certains hommes décident de ne plus rien donner. Pas un sou, pas un effort. Ils se disent : « Pourquoi ce serait toujours à moi d’investir, alors que je n’ai aucune garantie ? »
Mais cette réaction engendre un autre travers : la relation devient une transaction. On calcule, on attend un retour sur investissement, comme si l’amour devait se convertir en bénéfices — sexuel ou affectif.

C’est symptomatique d’un mal plus large : nous consommons tout, même nos relations. On swipe sur Tinder, on enchaîne les expériences instagrammables, on “clôture” des histoires comme on clôt une série Netflix. Comme le résume la sociologue Marie Bergström (Ined), “la consommation amoureuse est désormais marquée par la logique du jetable”.

Et si, au lieu de vouloir rentabiliser chaque rencontre, on réapprenait à savourer l’expérience elle-même ? Découvrir une personne sans attendre de gain immédiat. Partager un repas sans se soucier du prix ou de la photo pour les réseaux. Retrouver le plaisir simple d’être avec l’autre.

L’homme princesse et les clichés de la séduction

On parle beaucoup d’égalité, mais dans la pratique, les rôles traditionnels persistent. La séduction reste encore largement codée : l’homme initie, la femme choisit. Et lorsqu’un homme ose sortir de ce script, on le ridiculise en l’affublant du terme “homme princesse”.

Le ridicule du terme “princesse”

D’abord, arrêtons-nous sur le mot. Une princesse, ce n’est pas une fille gâtée dans une tour d’ivoire. Les contes sont clairs :

  • Peau d’Âne fuit un père incestueux,
  • Blanche-Neige est empoisonnée par sa belle-mère,
  • Raiponce est séquestrée dans une tour,
  • Belle est prisonnière d’une créature effrayante.

Autrement dit, la vie des princesses n’a rien d’un conte de fées. Vouloir réduire les hommes qui refusent de jouer les chevaliers servants à des “princesses”, c’est oublier que ces héroïnes symbolisent souvent la survie face à la violence patriarcale.

Un homme musclé déguisé en Blanche-Neige croque dans une pomme rouge face à une sorcière élégante dans une forêt sombre et féérique.

La lassitude de ne pas être courtisé

Ce que traduisent les “hommes princesses”, c’est aussi une fatigue. Pourquoi ce serait toujours à eux de faire le premier pas ? Pourquoi ne pourraient-ils pas, eux aussi, être charmés, complimentés, désirés ?

Pourtant, une étude IFOP (2019) révèle que 71 % des femmes estiment que c’est à l’homme de faire le premier pas lors d’un rendez-vous amoureux. On est donc coincés dans une injonction paradoxale : on reproche aux hommes de s’imposer, tout en attendant d’eux qu’ils prennent l’initiative.

Des émotions refoulées dès l’adolescence

Ce paradoxe trouve son origine dans l’éducation. Petit, un garçon reçoit souvent câlins et tendresse. Puis, à l’adolescence, le discours change brutalement : « Arrête de pleurer, sois un homme, prépare-toi à assumer. »
Résultat : les émotions sont refoulées, les repères relationnels inexistants, et les attentes contradictoires. On demande aux garçons de réprimer leur vulnérabilité tout en exigeant d’eux une maturité affective qu’ils n’ont jamais apprise.

Un rapport de l’UNICEF (2021) rappelle d’ailleurs que les garçons sont deux fois moins susceptibles que les filles de demander de l’aide psychologique à l’adolescence. On leur apprend à taire leurs émotions plutôt qu’à les apprivoiser.

Pas étonnant, alors, que certains choisissent la passivité ou l’ironie comme refuge. Plutôt que de risquer le rejet, ils préfèrent s’abstenir… quitte à être accusés de fuir leurs responsabilités.

Poser des limites : un apprentissage vital

L’un des plus grands malentendus autour des “hommes princesses”, c’est l’idée qu’un homme qui dit non serait fragile, capricieux ou même ridicule. Comme si la virilité se mesurait au nombre de conquêtes et à l’incapacité de refuser.

Or, apprendre à poser ses limites n’est pas un signe de faiblesse : c’est une preuve de maturité, et c’est valable pour tout le monde.

Consentement et respect mutuel

Dans une société qui valorise encore l’image de “l’homme toujours partant”, refuser est presque vu comme une trahison de son genre. Un exemple récent circulait sur TikTok : une femme accusait un homme d’être un “homme princesse” parce qu’il avait refusé un rapport sexuel durant ses menstruations. Comme si son droit de dire non n’existait pas.

Pourtant, le consentement est un droit fondamental, et il s’applique autant aux hommes qu’aux femmes. Le Haut Conseil à l’Égalité rappelait en 2023 que 40 % des jeunes hommes pensent encore qu’un “non” peut vouloir dire “oui”. Ce chiffre inquiétant montre combien notre éducation au respect mutuel est lacunaire.

Déconstruire le mythe de l’homme toujours partant

Depuis des décennies, la culture populaire martèle que “les hommes pensent avec leur sexe”, qu’ils sont incapables de résister à l’envie. Des publicités aux séries TV, l’homme est caricaturé comme une bête incontrôlable.
Mais cette vision est non seulement fausse, elle est dangereuse. Elle prive les hommes de leur humanité, de leur capacité à choisir, à doser, à respecter leurs propres envies.

Une étude publiée dans The Journal of Sex Research (2020) a d’ailleurs montré que près de 30 % des hommes interrogés avaient déjà vécu une expérience sexuelle non désirée, souvent par peur d’être jugés faibles s’ils refusaient.

Apprendre à dire non sans être stigmatisé

Dire non, c’est poser une frontière claire. C’est dire : « Mon corps m’appartient, mes choix comptent, mes envies aussi. »
C’est un apprentissage difficile, surtout pour des hommes à qui l’on a répété depuis l’enfance : « Tu dois assumer, tu dois être fort, tu dois être prêt. »

Mais si nous voulons bâtir une société égalitaire, ce droit doit être reconnu et respecté pour tous. Il n’y a pas de masculinité saine sans liberté de poser ses limites.

Comme je le dis souvent à mes enfants : on ne peut pas exiger du respect sans apprendre d’abord à se respecter soi-même.

L’homme princesse en couple et en famille

Beaucoup d’hommes se disent aujourd’hui plus modernes, plus “évolués” que leurs pères. Ils pensent être des partenaires exemplaires simplement parce qu’ils “aident à la maison” ou “passent un peu de temps avec les enfants”. Mais soyons clairs : ranger deux verres et sortir les poubelles, ce n’est pas partager les tâches ménagères.

Le faux “nouvel homme”

L’Insee (2020) est sans appel : les femmes assurent encore 72 % des tâches domestiques et 65 % des tâches parentales. Et cela, même lorsque les deux travaillent à temps plein.
Ce déséquilibre, qu’on appelle “charge mentale”, n’est pas qu’une question de répartition des corvées : il révèle une vision archaïque où la femme est naturellement responsable de tout ce qui touche à la maison et aux enfants.

Or, beaucoup de papas princesses se félicitent d’en faire “un peu” — comme si ce peu était un exploit. En réalité, c’est encore trop souvent l’équivalent d’un passe-droit : « Moi, j’aide, donc je suis moderne. » Mais aider, ce n’est pas assumer.

Homme allongé sur un canapé avec une télécommande et une canette.

Le fameux “demande à ta mère”

Combien d’enfants entendent cette phrase ? Aux devoirs, aux questions existentielles, aux rendez-vous médicaux, aux choix scolaires… « Demande à ta mère » est devenu le joker universel.
Résultat : les pères s’auto-excluent du quotidien éducatif, tout en s’érigeant en figures d’autorité quand un problème grave surgit. C’est le paradoxe de l’homme princesse : absent dans la logistique, bruyant dans la posture.

La pension alimentaire : non, vous n’êtes pas en NBA

Quand vient la séparation, la réalité éclate. En France, 76 % des gardes d’enfants sont confiées à la mère en résidence principale (Ministère de la Justice, 2022). Pourquoi ? Parce que dans les faits, ce sont elles qui assumaient déjà l’essentiel.

Et pourtant, combien d’hommes hurlent à l’injustice au moment de payer une pension alimentaire ? Ils parlent d’“extorsion”, comme si on leur réclamait des millions façon champions de basket de la NBA.
La vérité est beaucoup plus simple : ces pensions couvrent une partie des besoins réels des enfants, pas plus. C’est une responsabilité, pas une punition.

Le vrai muscle à travailler : la responsabilité

On les voit à la salle de sport, sculptant leurs abdos après la séparation. Mais comme le résume si bien Ismae.StandUp sur TikTok :
👉 « Frérot, le seul muscle que tu devrais vraiment travailler, c’est ton sens des responsabilités. »

Car la maturité ne se mesure pas au nombre de tractions ou à la taille des biceps, mais à la capacité à être présent, fiable et impliqué.
Un homme qui fuit ses devoirs familiaux est un parasite du quotidien : il souffle le chaud et le froid, multiplie les colères, se victimise, mais au fond, n’aime qu’une seule personne: lui-même.

Et pendant ce temps-là, ce sont les femmes qui assument, souvent seules, le poids de la vie familiale et éducative. Voilà pourquoi, malgré les résistances, un changement profond est en marche.

Vers une société en reconstruction

Oui, la tendance de l’homme princesse agace. Oui, elle révèle des travers : la passivité, la peur d’investir, l’égoïsme parfois déguisé en revendication. Mais au lieu d’y voir seulement un caprice, on peut aussi l’interpréter comme un signe des temps : une étape maladroite mais nécessaire d’une transition vers de nouvelles masculinités.

Jamais dans l’histoire les rapports de genre n’ont été autant questionnés. Jamais les femmes n’ont eu autant de droits, et jamais les hommes n’ont été autant poussés à se réinventer. Cela crée du chaos, des résistances, des contradictions… mais c’est ainsi que naissent les sociétés nouvelles.

L’homme princesse est peut-être une caricature, mais derrière lui, une vraie question se dessine : comment sortir des scripts archaïques de la virilité et de la féminité pour construire des relations où chacun trouve sa place, dans l’équilibre et le respect ?

C’est une responsabilité partagée. À nous de refuser les extrêmes, de déconstruire les clichés, et surtout d’apprendre à nous rencontrer autrement. Car au fond, ce qui compte, ce n’est ni l’argent dépensé, ni le rôle joué, mais la sincérité du lien.

✨ Et toi, qu’en penses-tu ? Est-ce que tu vois l’homme princesse comme un parasite ou comme une étape vers un changement positif ? Je t’invite à partager ton avis en commentaire, parce que ce débat mérite vraiment toutes les nuances.

👉🏽 Et si tu veux découvrir l’exact opposé de l’homme princesse — non pas celui qui se soigne trop, mais au contraire l’homme qui néglige son hygiène et refuse de se laver — viens lire mon article juste ici : Manque d’hygiène chez l’homme : un sujet qui fâche.

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